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Le Monde on Visible Hands

22 May 2002


  • Source
  • Title: Le Monde : Aux Nations Unies, les frondeurs tombent le masque
  • Author(S): Laurence Caramel
  • Date: 11 Sep 2001
  • Publication: Le Monde

Le Monde, le 11 septembre 2001

« Aux Nations unies, les frondeurs tombent le masque »

Par Laurence Caramel

A quelques pâtés de maisons de l’Organisation mondiale du commerce à Genève, une musique pour le moins dissonante se fait entendre sur les vertus de la mondialisation, prônées par l’OMC. D’où vient-elle? Du petit groupe d’économistes de l’Institut pour le développement social des Nations unies (Unrisd). Le rapport qu’ils viennent de publier va faire du bruit dans le landernau des experts chargés, au sein des institutions internationales, de définir les canons des bonnes politiques économiques. Car il tire à boulets rouges sur les deux plus puissantes d’entre elles, la Banque mondiale et le Fonds monétaire international (FMI). Son titre « Mains visibles : assumer la responsabilité du développement social », laisse à peine deviner la violence des attaques lancées sur près de deux cents pages contre « la déréglementation néolibérale ». Certes les deux institutions de Bretton Woods subissent déjà – au moins depuis la crise asiatique en 1997 – le feu croissant des critiques, au point d’avoir dû encaisser des « trahisons » dans leurs propres rangs. Joseph Stiglitz, l’ancien économiste en chef et premier vice-président de la Banque mondiale, a été parmi les premiers à s’interroger sur le bien-fondé des stratégies imposées aux pays en développement. Cela lui coûta son poste. Aujourd’hui, depuis la chaire de l’Université de Stanford où il enseigne, il continue pourtant de plus belle à invectiver Washington. Avec d’autres, qui comme les économistes Dani Rodrick ou Paul Krugman, ont rejoint le campe des globalo-sceptiques.

L’offensive des économistes de l’Institut de recherches pour le développement social marque cependant le retour d’un discours beaucoup plus radical que l’on n’avait pas entendu aux Nations unies depuis les années 1970, même si l’Institution suprême – l’ONU – dirigée par Kofi Annan s’est toujours tenue à bonne distance des apologistes absolus du libre marché. En publiant par exemple à partir de 1990, sous l’égide du PNUD, un rapport annuel sur le développement humain qui jouera un rôle majeur dans la prise de conscience du creusement des inégalités et en renforçant son travail pour promouvoir l’idée de droits économiques et sociaux universels, l’organisation a redonné de la voix.

Et ses trublions ne veulent pas en rester là. Thandika Mkandawire, directeur de l’Unrisd, a réuni les 7 et 8 septembre au Cap (Afrique du Sud) une trentaine d’économistes qui appartiennent pour la plupart aux courants hétérodoxes de la pensée du développement. Parmi eux figurent Machiko Nissanke de l’Ecole des études orientales et africaines de l’Université de Londres, Mark Weisbrot du CEPR (Center for Economic and Policy Research) de Washington, Marc Wuyts de l’Institute of Social Studies d’Amsterdam ou encore Jomo Kwame Sundaram de l’Université de Malaisie. Au programme : « Repenser l’économie du développement » une discipline qui était en quelque sorte devenue obsolète dès lors que, à en croire les institutions de Bretton Woods, pour opter pour la prospérité il suffisait d’accepter une stratégie unique imposée à tous. Ces économistes dissidents entendent, au contraire, montrer que la spécificité de chacun doit être prise en compte. Y compris contre la Banque mondiale et le FMI.